Le théâtre vietnamien classique comporte deux grands modes de présentation : le Tuong et le Cheo.
Le « Tuong » ou hát bôi, est un théâtre classique de cour importé de Chine au XIVe siècle. Nettement influencé par l’opéra chinois, il a été introduit au Vietnam au XIIIe siècle par les envahisseurs mongols, jusqu’à ce qu’ils soient repoussés par Tran Hung Dao. Très cérémonieux, le théâtre hat tuong, emprunte sa gestuelle et ses décors à l’opéra chinois. Un orchestre de six musiciens, dominé par le tambour, l’accompagne.
Le hat tuong comprend un nombre limité de personnages caractéristiques, immédiatement identifiables par leur maquillage et leurs costumes symboliques. Ainsi, une face maquillée en rouge représente le courage, la loyauté et la fidélité. Les traîtres et les personnages cruels se blanchissent le visage. Les habitants des plaines ont la figure peinte en vert, les montagnards, en noir. Horizontaux, les sourcils signifient l’honnêteté ; en accent circonflexe, la cruauté, et, tombants, la lâcheté. Selon la façon dont il tripode sa barbe. On peut reconnaître les émotions (réflexion, inquiétude, colère, etc.) qui animent un personnage masculin.
Le »Chèo » (« chant comique ») est un théâtre populaire apparu au Xe siècle dans le delta du fleuve Rouge, au nord du pays, il est considéré comme la plus ancienne forme d’opéra vietnamien existante. Le Cheo se distingue tout de même du Tuong sur plusieurs points : le chant du cheo est plus rapide, moins accentué et moins grave ; les personnages ne sont pas forcément rois et généraux ; les costumes sont plus réels; es décors simples.
On y chante et déclame avec des mots de tous les jours, en recourant à de nombreux proverbes et dictons. La plupart des mélodies sont d’origine paysanne. L’air enjoué du cheo se manifeste à travers le rire et la subtilité. Le bien et le mal sont les thèmes principaux. Il y a un échange constant entre la foule et les personnages, soit, dao (actrice), kep (acteur), lao (personne âgée), mu (matrone) et he (bouffon).
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Les marionnettes sur l’eau, un spectacle né des rizières inondées
Cette marionnette, d’origine chinoise, se retrouve maintenant au Viet-Nam. Dans le théâtre de marionnettes sur eau, les marionnettes sont présentées sur le plan d’eau d’une mare ou d’un étang.
La marionnette, sculptée dans le bois, est fixée à une base de bois qui tient lieu de flotteur. Elle est actionnée à l’aide d’une longue perche de bambou horizontale qui peut mesurer jusqu’à dix mètres. Certaines marionnettes possèdent un système de fils permettant une articulation plus complexe. Les manipulateurs sont dans l’eau jusqu’au torse, cachés par un rideau de bambou, souvent dans une sorte de petit bâtiment de pierre construit au milieu de l’eau
Les scènes de marionnettes sur l’eau sont étroitement inspirées des travaux quotidiens de la campagne vietnamienne : labourage, hersage, repiquage, pacage de buffles, pêche de crevettes ou de poissons, jeux populaires comme balançoire, chant et danse après une récolte abondante…, et des paysages ruraux.. Les plans d’eau naturels (étangs, mares) servent de scène, appelé encore ‘Thuy Dinh’ . Les marionnettistes, pataugeant dans l’eau et cachés derrière un rideau de bambou, manipulent leurs marionnettes avec des tiges de bambous et ficelles, ce qui crée un espace à la fois mystérieux et proche des spectateurs. C’est en s’inspirant des épouvantails qui effraient les oiseaux et les rats qui détruisent les récoltes, ou de la coutume de pratiquer la riziculture sur des champs inondés du delta du Fleuve Rouge que les ‘artisans-paysans’ d’antan ont inventé les marionnettes sur l’eau. Les morceaux de bois qui restaient après la construction de maisons ou de charrues, de herses servaient à tailler les marionnettes. Les ficelles servant à préparer les filets de pêche étaient utilisées pour manipuler les marionnettes à travers des tubes de bambou, de roseaux. Grâce à leur esprit créatif, les ‘paysans-artisans’ ont su créer, à partir de matériaux disponibles typiquement campagnard, un art à part entière.
On a recensé les meilleures troupes de marionnettes sur l’eau du delta du Fleuve Rouge, berceau de la riziculture sur champs inondés. Ce sont les troupes des villages de Nguyên, Dông Cac (province de Thai Binh), Dào Thuc (Dông Anh-Hanoi), Nam Truc (Nam Dinh), Vinh Bao (Hai Phong), Thach Thât (Hà Tây)… Cependant, chaque troupe a ses propres secrets : celle de Nguyên fait exploser les pétards dans l’eau et cracher du feu de la bouche d’un dragon. Celle du village de Dào Thuc (Dông Anh-Hanoi) fait sauter ses marionnettes au-dessus de la surface de l’eau pour faire de la balançoire ou sauter sur le dos d’un buffle grâce à un système de chaînes et de roues libres de vélo… Pas mal d’entre elles ont effectué des tournées en Europe (Italie, France, Allemagne…) et ont reçu un accueil enthousiaste. Maintenant, cet art n’est plus exclusivement campagnard comme jadis quand il n’était pratiqué que sur des surfaces d’eau naturelle. Maintenant, il est exécuté sur la scène moderne des Théâtres de marionnettes sur l’eau centrales, de Thang Long ou du bassin en plein air du Musée d’Ethnographie du Vietnam, et attire toujours un grand nombre de spectateurs, notamment des touristes étrangers. Ces dernières années, le jeune artisan Nguyên Thanh Liêm, originaire du village de Nam Truc (Nam Dinh), a inventé une scène pour les spectacles en miniature. Son ‘Thuy Dinh’ est composé de pièces démontables. L’ ‘étang’ est un bassin en nylon pouvant être plié facilement. Une fois sur le lieu de spectacle, il construit son ‘étang ‘, y verse quelques seaux d’eau, puis monte son ‘Thuy Dinh’ et ses marionnettes miniatures, allume la musique de son radiocassette et est prêt à commencer son spectacle. La tournée en solo qu’il vient d’effectuer en Italie a obtenu un franc succès. Il a nommé son œuvre ‘Une petite scène donne une grande efficacité’. Les marionnettes sur l’eau du Vietnam, un art folklorique étroitement lié à la civilisation du riz aquatique, sont dignes de figurer parmi les patrimoines culturels immatériels de la nation.